mardi 12 mai 2015

De l'importance du Discernement.


Aujourd'hui où la spiritualité au sens large se démocratise, on entend de plus en plus parler de lâcher prise, d'acceptation, de retour vers Soi et son centre Divin. On entend dire qu’il faut dépasser la dualité et retrouver l’unité.

Ces pensées émanent en grande partie de la philosophie New Age post 68. 

En soi, il me semble que c’est plutôt une bonne chose que de s'intéresser à la dimension spirituelle de l'homme, et l'on devrait à priori s'en réjouir, seulement je remarque aussi que cette vulgarisation, de très mauvaise qualité parfois, des Enseignements occultes et hermétiques ( provenant de l'Égypte, de l'Hindouisme, du Bouddhisme, du Christianisme originel etc…), porte en son sein, des graines qui, si elles trouvent un terreau fertile pour se développer dans une Conscience qui y adhère, peuvent être dangereuses. 

Je constate, grâce à de nombreux échanges avec des connaissances qui se disent être chercheurs dans le domaine spirituel, un écueil qui me semble être contenu dans cette citation de Charles Baudelaire : « Le coup le plus rusé que le diable ait jamais réussi, ça a été de faire croire à tout le monde qu'il n'existait pas. »

La pensée véhiculée par le New Age et les "nouvelles spiritualités" voudrait nous faire croire que discerner le "Bien" du "Mal", ce qui est harmonieux de ce qui ne l'est pas, ce qui est juste de ce qui l'est moins, ne serait pas une bonne chose puisque nous resterions figés dans la dualité. Les adeptes de cette philosophie, ne se rendent apparemment pas compte qu'en disant qu'il n'est pas bon de juger, ils font justement le contraire de ce qu’ils affirment : juger.

Discerner me paraît pourtant être de la toute première importance pour une Conscience ayant fait le choix de l’évolution. Celle qui passe par la libération de ses conditionnements routiniers, de l’influence des autres, y compris celle de sa famille et de son entourage, de la pression sociétale, des carcans culturels, cultuels et traditionnels, de ses propres peurs, vices et limitations. Ce travail de remise à plat des différents « objets/pensées » que l’on décide ou non d’associer à soi (identification libre) dépend entièrement de la capacité de discernement de celui qui entend se lancer dans cette voie. Les Anciens disaient « séparer le subtil de l’épais », la sagesse populaire l’a assimilé en leur faisant écho « séparer le bon grain de l’ivraie. »

Si la spiritualité se résumait à tout accepter dans une mer uniforme où toutes les choses avaient une même valeur, il y a longtemps que nos parents et tous ceux qui les précédent auraient été des éveillés. Pourtant, force est de constater que ce n’est pas le cas, et il me semble vain de détailler toute la misère du monde afin d’appuyer cet argument. Les éveillés restent minoritaires, et il est probablement pertinent de se demander pourquoi...

Afin de continuer, rappelons quelques règles de bons sens :
Une pensée ne gagne pas en justesse parce qu’un grand nombre de Consciences y adhèrent. Si un individu pense qu’il peut vaincre la gravité en agitant ses bras de façon frénétique, cette pensée ne deviendra pas plus pertinente ni juste parce qu’un groupe de mille autre personnes se joint à lui dans cette quête stérile. Ils peuvent toutefois se rassurer entre eux et pourront se moquer de la personne, seule et un peu plus éveillée, qui ne cesse doucement de leur répéter que cela ne sert à rien. Ce qui nous fait dire que ce qui caractérise la justesse d’une pensée est sa pertinence et sa cohérence, en fonction des lois de causes à effets qui sont ici à prendre au sens large du terme (plan physique et intellectuel/émotionnel). Pour qu’une pensée soit juste, la qualité doit primer sur la quantité, d’où l’importance de savoir bien faire la différence entre l’une, et l’autre. Gourmet et gourmand ne sont pas des synonymes.

Nous pouvons constater ce phénomène en musique. Si certaines musiques sont si poignantes c’est parce que les musiciens jouent au service de la Musique et dépasse le cadre de leur propre personnalité. D’ailleurs, nous disons que certains musiciens, tout virtuoses qu’ils puissent être, parlent trop, sous entendu qu’ils sont parfois plus dans la démonstration de leur talent (service à soi) plutôt que dans la mise en service de leur talent, au profit du groupe, de l’ensemble.
Voici, il me semble, ce qui fera la différence entre un bon musicien, et un mauvais musicien, aussi technique et talentueux soit-il.

Il y a donc des pensées qui divisent (service à soi) et d’autres qui rassemblent (service au groupe), nous pouvons, sans prendre trop de risque, dire que celles qui divisent sont de moindre qualité que celles qui rassemblent qui, elles, sont de meilleure qualité. De ceci découle logiquement qu’une pensée juste englobe la pensée la moins juste, à la manière des poupées russes, en effet, servir le groupe sert tous les individus qui le composent, ce qui n’est pas vrai pour celui qui cherche à se servir avant tout.

Pour en revenir à ces nouvelles philosophies, qui entendent donc unir le grand Tout sans discernement, c’est là faire une grave erreur et se couper d’une marge de progression infinie, celle de la perfectibilité de notre Conscience. En effet, ce discernement est aussi, et surtout, à appliquer envers soi, ses propres pensées, ses propres paroles et ses propres agissements. « Connais toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux » était l’axiome gravé sur le fronton du temple de Delphes. Ceci permet justement de se rendre perfectible dans un monde où tout nous prouve que les choses sont relatives et non absolues. À moins de se prendre pour la Source de toutes choses elle même, nous devons nécessairement nous prendre comme point de départ afin de débuter le cheminement spirituel et remarquer alors que celui-ci va du relatif vers l’absolu. Le monde relatif et ses contrastes sont donc sérieusement à prendre en compte.

Le principe de perfectibilité de la Conscience est la raison pour laquelle les Sages de tous temps ont parlé du développement des vertus, des valeurs morales et de l’éthique. C’est donc que ce qui caractérise une pensée juste, d’une pensée moins juste, est sa capacité à servir l’utilité commune, à être UNIVERSELLE. M’est avis que c’est lorsque l’on choisit en toute conscience la voie de la justesse, qui est universalité, que nous nous rapprochons de notre vrai Centre Divin, et non en rejetant en bloc les notions de justice et d’injustice.

Perfectionner sa Conscience implique un véritable sacrifice, car il est facile de succomber aux sirènes de la normalité ambiante et des habitudes de pensées routinières. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Ulysse a dû s’attacher au mât de son bateau. Il connaissait trop bien la force des habitudes et a dû s’aider lui même dans sa volonté de ne pas y succomber pour parvenir au terme de sa quête.

Ne plus discerner revient donc à délaisser ce travail de perfectionnement de la Conscience. L’huile et l’eau ont beau former un ensemble uni par le verre qui les contient, ils n’en reste pas moins fondamentalement séparé de par leur nature. Tout comme l’Esprit et la matière qui ont des différences de densité qu’il faut apprendre à re-connaître afin de se re-tourner volontairement vers l’Esprit, le seul permettant la manifestation de la matière, la réciproque n’étant pas vrai.

Pour reprendre notre citation de Charles Baudelaire, « le diable existe », et « il se cache dans les détails » rajoute la sagesse populaire. Plus le discernement s’affine, et devient subtil, et plus la Conscience progresse et développe des Connaissances permettant son évolution. C’est une voie difficile, âpre et rugueuse, qui demande nombre d’effort et qui est à l’inverse de se laisser aller ou de lâcher prise tel que bon nombre de pseudos chercheurs l’imaginent et qui risquent, je pense, de dévaler la pente et de se rendre à l’opposé de là où ils pensaient se rendre initialement.